Février à Copenhague

Vous l’aurez peut-être compris, mon obsession en ce moment, c’est la Scandinavie. J’ai eu plusieurs occasions d’y faire un tour, notamment à Göteborg en Suède, ainsi que dans l’arrière-pays sauvage de la Suède et de la Norvège, en passant bien sûr par le Danemark sans jamais m’y attarder. Cette fois-ci, j’ai eu envie d’apprendre à connaître un peu mieux ce petit pays qui m’a charmée dès le premier regard, sans que je sache trop pourquoi. J’ai donc profité de mes vacances d’hiver pour m’offrir quelques jours à Copenhague, et découvrir au passage l’hiver dans le grand Nord.

Enfin un vrai hiver

A ce qu’il paraît, il ne neige pas tant que ça dans le coin, et j’ai eu sacrément de la chance de me poser dans une ville toute de blanc vêtue. C’est sûr, elle m’attendait. A Montpellier, la neige, on n’en a pas vu depuis de longues années ; c’est donc avec les yeux brillants d’une gosse que je fais mes premiers pas, le jeudi 9 février à 20 heures, dans les adorables rues de Copenhague, entre les bâtiments en briques rouges et jaunes.

Les émotions fortes se succèdent, puisque mon cerveau candide et bohème n’a bien sûr pas jugé utile d’avoir une organisation irréprochable, et dès le premier soir je me retrouve déjà en galère, sans Internet ni téléphone, à la recherche de mon hôte, glacée jusqu’à la moelle, en envisageant l’idée que j’allais faire connaissance avec les abris-bus de la ville avant de faire celle de ses musées. Heureusement, je suis pas encore trop gourde, et je m’en sors pour cette fois !

Au premier matin, après quelques bribes largement insuffisantes de sommeil, je dis au revoir à mon hôte, et je pars en sautillant avec mon sac à dos, impatiente de découvrir Copenhague. Pour le moment, tout se passe comme prévu – si ce n’est que j’ai dû réserver en urgence dans une auberge de jeunesse, et que je n’ai toujours pas de toit pour le samedi soir. Mais bon, « je verrai ça demain » !

Un peu d’art et beaucoup d’émotions

Premier arrêt : le Statens Museum for Kunst. Il s’agit de la galerie nationale. Elle s’organise en quatre parties : art européen de 1300 à 1800, art français 1900-1930, art danois et nordique de 1750 à 1900, et art danois et international après 1900, qui malheureusement n’est pas ouverte ce jour-là. Notons au passage le prestige de l’art moderne de notre bonne vieille patrie, qui se targue d’occuper toute entière une des quatre galeries.

Bien entendu, ma préférée, c’est la peinture de l’âge d’or danois. Elle traduit exactement ce que je ressens quand je mets le pied dans ce pays. La lumière douce, la nature tranquille, la contemplation, la simplicité paisible. Oui, je vous tannerai la tête encore et encore avec la peinture nordique. Elle me fait du bien, elle fait écho à certains de mes sentiments profonds. Et elle me fait devenir plus niaise que je ne le suis déjà, si tant est que cela est possible.

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Voici pour exemple un tableau du norvégien Johan Christian Dahl, Paysage d’hiver. Près de Vordingborg, 1829, qui m’a tiré quelques larmes tandis que des dizaines d’enfants couraient en hurlant autour de moi
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Et quelques autres exemples, juste pour le plaisir : Peder Balke (norvégien aussi), Tree in a Wintry Forest, ~1850
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Laurits Andersen Ring, Evening, Death and the Old Woman, 1887

Pas d’inquiétude, je vous en pondrai un article. Pas plus de 500 pages, promis.

Le baptême du porte-feuille

Après avoir déposé mon fidèle, mais néanmoins volumineux sac à dos à l’auberge de jeunesse, je repars pour une promenade au jardin botanique. Vous vous doutez qu’il n’y a strictement rien à y voir en cette saison, mais je ne résiste pas à un lac gelé sous un doux rayon de soleil hivernal.

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Oui, tout allait bien, j’étais si heureuse d’être là, dans les bras de cette capitale avec qui j’entamais tout juste une idylle romanesque, que j’en avais même oublié de manger. Je quitte le jardin botanique, tout excitée à la perspective de faire suivre à cette bonne journée une bonne soirée arrosée de bière en compagnie d’un danois que je viens de contacter sur Couchsurfing. Je me dirige alors vers un distributeur pour retirer de quoi faire arriver la bière sur la table, j’ouvre mon sac à la recherche de mon porte-feuille, et là… C’est le drame.

Après avoir retourné mon sac, je rentre à l’hôtel, je fouille mes affaires de fond en comble, je demande à l’accueil, des fois que je l’aurais laissé sur le comptoir. Pas de trace du porte-feuille. Carte vitale, attestation d’assurance, permis de conduire, et surtout, carte de crédit… Envolé. J’ai pas un rond sur moi. Je ne peux même pas prendre le métro pour aller où que ce soit. Je me rappelle alors que j’ai le ventre vide, et je commence à me sentir vraiment pas bien. Adieu la bière, adieu le bon repas chaud. Tout ce que je peux faire ce soir, c’est rester en PLS dans mon lit et attendre la mort. Et ce n’est que le premier jour !

Dans mon malheur, j’ai tout de même eu une chance inouïe, car ma carte d’identité était restée saine et sauve en caution à l’auberge de jeunesse. Je pourrai toujours rentrer chez moi, après cinq jours de famine et d’errance. Mon autre chance, c’est que je n’étais pas seule au monde. Le jeune homme de Couchsurfing a pris pitié de moi, est venu me chercher en voiture, m’a offert un bon repas, un verre de pinard, et un bon film sur le canapé. Exactement ce dont j’avais besoin ! J’étais dans la galère, mais j’avais surtout le moral dans les chaussettes, et sans sa gentillesse, j’aurais passé une sale soirée.

Copenhague, pour le meilleur et pour le pire

Au petit matin, je retourne au jardin botanique, deux fois, pour en revenir bredouille. Je passe donc la matinée pendue au téléphone de l’auberge avec mon papa. J’aurais bien aimé faire autre chose de toutes ces heures. Mais la situation s’arrange. A midi, il m’envoie des sous via Western Union, que je récupère dans un bureau de change. Une fois mes gros billets en main, je peux enfin aller de l’avant. Je visite deux autres musées, et je finis mon petit tour en fin d’après-midi sur Nyhavn et ses maisons colorées.

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L’ambiance y est plutôt calme, puisque ce n’est pas la forte saison, mais il y a quand même un peu de monde. Je vais peut-être retrouver mon nouveau pote danois ce soir, et j’espère qu’il pointera le bout de son nez, parce que je n’ai nulle part où dormir. J’essaie de profiter de ma soirée malgré ce détail angoissant. Je rentre dans un bar (doté de Wi-fi!), transie d’avoir passé des heures à marcher dans le vent glacial, et je m’offre une Carlsberg pour me réchauffer. C’est cosy, il y a des bougies, un type prend une guitare et se met à chanter Night in white satin. Une vraie scène de film.

A 22 heures, aucun visage familier à l’horizon, et je me dis qu’il faudrait que je prenne mon destin en main si je ne veux pas mourir cette nuit, en boule sur le trottoir. Mes promesses de bière gratuite ne l’ayant pas fait venir, je finis par céder à l’inquiétude et lui envoyer un message pour lui expliquer à quel point je suis dans la merde. Ainsi, à 23 heures, je quitte mon safe point chaud et pourvu de connexion internet, avec mes petites jambes épuisées, une adresse et un plan griffonné dans l’urgence. Et mes prières pour ne pas me perdre…

Et voilà comment une personne que je connaissais à peine m’a sauvée, deux fois, en 2017, au Danemark.

Le bonheur à la scandinave

Le plus dur est passé. Mon prochain logement est déjà réservé depuis longtemps et je n’ai plus qu’à me laisser porter par la vague jusqu’à la fin du séjour. Avant de quitter Copenhague, je fais une dernière promenade le long du canal, depuis Nyhavn jusqu’à la petite sirène.

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Ensuite, je saute dans un bus, direction Hørsholm, où m’attend mon Airbnb : une petite cabane, dans le jardin d’une dame sympa, dans un bled paisible. Soyons sérieux, c’est les meilleures vacances que j’aurais pu espérer !

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Le lendemain, je saute dans un bus, puis dans un train, pour aller visiter Helsingør. C’est là que se trouve le fameux château d’Hamlet.

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Mais si je suis là, ce n’est pas tant pour le château que pour profiter du bord de mer et de l’adorable petite ville qu’est Helsingør. Le tout sous un soleil magnifique…

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C’est ici aussi qu’on trouve la version masculine de la petite sirène

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Il fait beau… C’est la fête au Danemark !

Je tombe même sur un petit monastère en brique qui me fait frétiller comme un gros poisson ému !

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On arrive bientôt à la fin de notre périple. Je passe ma dernière soirée dans ma cabane avec moi-même, à manger des saucisses grillées sur la chandelle et à boire de la bière. Le plaisir simple, le « hygge » danois ; exactement ma conception du bonheur.

Pour le dernier jour, après avoir hésité à aller visiter le musée Louisiana, j’opte finalement pour une promenade à Hørsholm, en compagnie d’une amie d’ami qui vit justement ici. Le monde est petit ! Après s’être donné rendez-vous face à l’église qui surprend, fièrement dressée sur sa petite île, on n’a que deux pas à faire pour se retrouver dans la forêt enneigée.

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Vers 15 heures, je boucle mon sac, je rends les clés de ma cabane. C’est le cœur gros que je retourne à l’aéroport pour rentrer. Je dis au revoir à Copenhague, sûre et certaine que je reviendrai. J’ai encore mille choses à y voir, j’y ai rencontré des gens que je n’oublierai jamais, et je suis impatiente de voir la vie qui y règne en période estivale ! Malgré les difficultés, c’était un voyage magnifique dont je reviens toute chamboulée. Partir seul n’est pas aisé, mais c’est une expérience dont je ne peux plus me passer.

J’ai retrouvé ma bonne vieille France, il fait chaud, l’air est plein d’odeurs de printemps, je sais plus trop où j’habite. Je m’accorde quelques jours pour pleurer, et ensuite j’irai de l’avant. Parce que si je me sens aussi perdue en rentrant d’une semaine à Copenhague, qu’est-ce que ce sera quand je rentrerai d’un tour du monde !

Bref, le Danemark : je valide ! Et j’en reprendrai !

Prenez soin de vous,

Annaboule

Une réflexion sur “Février à Copenhague

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